Localisation : ÎIe du Grand-Calumet
Thème : La route de l'Ouest
Capsule(s) reliée(s) :

1534-1760 - La route de l'Ouest
Capsule
A10
La complainte de Cadieux

L’artiste reconstitue les derniers moments de Cadieux. Celui-ci découpe la feuille de bouleau sur laquelle il rédigera sa complainte.
L’artiste reconstitue les derniers moments de Cadieux. Celui-ci découpe la feuille de bouleau sur laquelle il rédigera sa complainte.
L’île du Grand-Calumet et les deux bras de la rivière des Outaouais ainsi que les chutes et rapides qui s’y trouvent, avant qu’ils ne soient noyés par les barrages hydroélectriques. « Calumet Falls » correspond au « Saut des sept chutes ».
L’île du Grand-Calumet et les deux bras de la rivière des Outaouais ainsi que les chutes et rapides qui s’y trouvent, avant qu’ils ne soient noyés par les barrages hydroélectriques. « Calumet Falls » correspond au « Saut des sept chutes ».
Il s’agit de « Calumet Falls », le « Saut des sept chutes », vers 1880.
Il s’agit de « Calumet Falls », le « Saut des sept chutes », vers 1880.
Le dessinateur reconstitue la scène où Cadieux, agonisant, serre sur son cœur « un large feuillet d’écorce de bouleau couvert d’écritures », sa complainte.
Le dessinateur reconstitue la scène où Cadieux, agonisant, serre sur son cœur « un large feuillet d’écorce de bouleau couvert d’écritures », sa complainte.
Une des versions de la partition musicale de la Complainte de Cadieux 
Une des versions de la partition musicale de la Complainte de Cadieux 
Les paroles de la Complainte de Cadieux telles qu’elles apparaissent dans Forestiers et voyageurs de Joseph-Charles Taché
Les paroles de la Complainte de Cadieux telles qu’elles apparaissent dans Forestiers et voyageurs de Joseph-Charles Taché
Il s’agit du monument à Cadieux érigé sur le site du drame, en 1891, par l’entrepreneur Joseph Bourque. Celui-ci était chargé de la construction du palais de justice de Bryson. De nos jours, il est situé dans un petit parc municipal, aménagé à proximité de l’église Sainte-Anne, dans le village de Calumet.
Il s’agit du monument à Cadieux érigé sur le site du drame, en 1891, par l’entrepreneur Joseph Bourque. Celui-ci était chargé de la construction du palais de justice de Bryson. De nos jours, il est situé dans un petit parc municipal, aménagé à proximité de l’église Sainte-Anne, dans le village de Calumet.
Lorsque le monument à Cadieux était situé à l’écart, sur le site original, il était l’objet de vandalisme à répétition. Excédées, les autorités municipales ont préféré déplacer le monument à proximité de l’église, ce qui a mis fin à ce cirque annuel!
Lorsque le monument à Cadieux était situé à l’écart, sur le site original, il était l’objet de vandalisme à répétition. Excédées, les autorités municipales ont préféré déplacer le monument à proximité de l’église, ce qui a mis fin à ce cirque annuel!

Le héros de cette légende a réellement existé. Il s’agit d’un coureur des bois du nom de Jean Cadieux, né à Montréal le 12 mars 1671 et décédé à l’île du Grand-Calumet au mois de mai 17091. Sa fin tragique est devenue légendaire grâce à la puissance du message qu’il a laissé à ses proches.

Le morceau d’écorce de bouleau sur lequel sont inscrites les dernières pensées du héros donne naissance à la Complainte de Cadieux chantée et popularisée par les coureurs des bois et les voyageurs2. Ces derniers s’agenouillent religieusement en passant près de sa tombe et y érigent, de génération en génération, des croix de remplacement pour marquer l’endroit sacralisé (image). Puis, ils rapportent dans leur sac, comme une relique, un éclat du bois de l’arbre ou de la croix de Cadieux en souvenir de leur passage au « rocher de la haute montagne3 ». Cette tradition est reprise et amplifiée par les écrivains canadiens-français et canadiens-anglais depuis le milieu du dix-neuvième siècle4.

La légende se déroule à  la pointe sud de l’île du Grand-Calumet, Cadieux fait le guet à la tête du long sentier de portage qui permet de contourner le « Saut des sept chutes ». Tout à coup, il voit poindre à l’horizon une flottille de canots dont il attend impatiemment la venue depuis plus d’une semaine. Il pousse alors avec force le cri de la chouette pour en avertir certains de ses compagnons qui attendent, plus loin, près du Petit Rocher, au pied du portage. Ces derniers accourent et se joignent à lui pour fêter l’arrivée de ces canots, pleins à rebord de ballots de fourrures. Mais subitement, leur joie fait place à l’horreur! Des canots iroquois pourchassent leurs amis les Outaouais et risquent de les rattraper! Ils n’auront pas le temps de décharger les canots et de parcourir le portage d’une demi-lieue avant d’être rejoints par leurs cruels ennemis. À peine touchent-ils à la rive que Cadieux les encourage à continuer et à risquer le tout pour le tout en sautant les sept chutes. C’est ce qu’ils font, préférant confier leur vie aux torrents de la rivière et à la Providence pour échapper à l’implacable cruauté des Iroquois. Cadieux reste sur place avec un jeune Outaouais dont l’amitié et la bravoure vont lui permettre de bloquer pour un temps l’avance des canots ennemis. Les deux se séparent et font feu sur les canots iroquois à partir de plusieurs points du rivage, donnant l’impression qu’ils sont très nombreux. Ils tuent et blessent trois de leurs occupants. De son côté, le chef iroquois donne l’ordre de débarquer sur l’île afin d’encercler et de massacrer ceux qui s’y trouvent encore. Les maraudeurs iroquois traversent l’île de part en part à la recherche de ceux qui osent s’en prendre aux guerriers des « Cinq grandes nations ». Leur chasse n’a que peu de succès. Ils doivent se contenter d’une seule prise. Le jeune Outaouais, grièvement blessé, est mis à mort et son scalp est emporté par le guerrier qui l’a achevé. Cadieux, blessé, se cache dans les fourrés jusqu’au départ des Iroquois.

Entre-temps, les canots des Outaouais et leurs cargaisons terminent sans heurt leur périlleuse descente des sept chutes, des rapides des Dargis et de ceux de la Montagne. Arrivés à Montréal, les voyageurs et les Outaouais qui ont vécu cette expérience traumatisante racontent à tous ceux qu’ils rencontrent qu’ils doivent leur salut à la « Belle Dame Blanche ». Cette dernière, disent-ils, était postée à la pointe du canot de tête et guidait la flottille en faisant voler les canots au-dessus des pointes de rocher acérées. En temps normal, l’enveloppe d’écorce de leurs frêles embarcations aurait été déchirée. Certains d’entre eux disaient que c’était la Sainte Vierge, d’autres penchaient pour la « Bonne Sainte Anne », la mère de Marie5.

Dans les jours qui suivent, les amis de Cadieux, inquiets de son sort et de celui de son jeune ami, remontent jusqu’à l’île afin de leur venir en aide. Ils finissent par découvrir une croix « plantée à la tête d’une fosse à peine creusée dans le sol… [où]… gisait le corps encore chaud de Cadieux6 ». Il venait de rendre l’âme et, dans ses mains « jointes sur sa poitrine », reposait « un large feuillet d’écorce de bouleau couvert d’écritures ». Il y racontait ses derniers moments et son désespoir. Poète dans l’âme, il y avait gravé les premiers mots d’une complainte à la manière des voyageurs des Pays-d’en-Haut. Ses amis s’en inspireront pour composer la complainte qui l’immortalise.

Allez plus loin sur le web!
Lire la légende, publiée par Joseph-Charles Taché. Cette légende fait partie intégrante du patrimoine culturel de l’Outaouais québécois!
Site Web

Visitez :
Faire le circuit de vélo de 45 à 55 km sur L’Ile-du-Grand-Calumet. Riche en légendes algonquines et iroquoises et le lieu de repos du célèbre coureur des bois, Jean Cadieux.
Site Web

Références et définitions

1 Louvigny de Montigny, « Cadieux et sa complainte », dans Mémoires de la Société royale du Canada, tome XLVII, troisième série, juin 1953, première section, p. 1-9 et 14-17. Ce Jean Cadieux est le plus jeune des deux fils de Jean Cadieux et de Marie Valade. Pierre et Jean participent à la traite des fourrures et s’engagent à plusieurs reprises comme « voyageurs » pour « faire le voyage des Outaouais et nations voisines », « pour aller audit pays [de la Louisiane] et pour revenir avec le convoy qui descendra l’année prochaine » ou « pour aller au fort de Pont Chartrain du Lac Érié », etc. Jean prend pour épouse Marie, fille de Jacques Bourdon, notaire royal et huissier, à Boucherville, le 30 mai 1695. De cette union naissent sept enfants; devenue veuve, Marie Bourdon reprend mari le 26 mai 1710. C’est son Jean Cadieux qui meurt près du « rocher de la haute montagne », à l’île du Grand-Calumet, au mois de mai 1709. Pendant près de quinze ans, Jean mène la vie aventureuse des voyageurs, s’engageant pour conduire des canots aux « Pays-d’en-Haut » et pour trafiquer les fourrures avec les Indiens. En mai 1709, à l’âge de 38 ans, il est posté, dit-on, à l’île du Grand-Calumet, dans l’attente « des Sauvages de l’Île et des Courte-Oreille qui [doivent] descendre en même temps que lui jusqu’à Montréal avec des pelleteries ». C’est ici que commence la Légende de Cadieux dont les multiples versions ont traversé le temps!

2 Louvigny de Montigny, op. cit., p. 28-30.

3 Parmi ces témoins, soulignons George Nelson qui, de passage à l’île du Grand-Calumet en 1802, rapporte l’existence de cette légende dans son journal (voir Louvigny de Montigny, op. cit., p. 4-5); Nicholas Garry fait de même vers 1821 (« Diary of Nicholas Garry, Deputy-Governor of the Hudson’s Bay Company from 1822-1835. A Detailed Narrative of His Travels in the Northwest Territories of British North America in 1821 », dans Proceedings and Transactions of the Royal Society of Canada, Section I, 1900, p. 73.); tout comme John J. Bigsby en 1821 également (John J. Bigsby, The Shoe and Canoe…, volume 1, New York, Paladin Press, 1969, p. 155-156); ainsi que l’abbé G.-A. Belcourt (« Mon itinéraire du lac des Deux-Montagnes à la Rivière Rouge » dans La Revue canadienne, Montréal, nouvelle série, X, 1912.

4 Soulignons entre autres : J.-C. Taché, « Forestiers et voyageurs », dans Les Soirées canadiennes, troisième année, Québec, Brousseau, 1863, p. 178-190; F.-H.-A. La Rue, « Les chansons populaires et historiques du Canada », dans Le Foyer canadien, vol.1, 1863, p. 371-372; Ernest Gagnon, Chansons populaires du Canada, Québec, Darveau, 1894, p. 200-208; George Munro Grant, Picturesque Canada; The Country as it Was and Is, Toronto, Belden Brothers, 1882, volume 1, p. 202-203; J.D. Edgar, Canada and Its Capital, Toronto, Morang, 1898, p. 26-34; James McPherson LeMoine, The Legends of the St.Lawrence, Quebec, Holiwell, 1898, p. 1-11; Edward C. Woodley, Legends of French Canada, Toronto, Thomas Nelson, 1931, p. 19-25.

5 C’est ce qui justifie, dit-on, le choix du nom de la seule paroisse de l’île, Sainte-Anne-du-Grand Calumet, fondée en 1840.

6 J.-C. Taché, « La légende de Cadieux », dans  Louis Taché et al., Le Nord de l’Outaouais…, Ottawa, Le Droit, 1938, p. 118-123.

Sources et légendes des médias secondaires

PHOTO No 1
Source : Edward C. Woodley, Legends of French Canada, Toronto, Thomas Nelson, 1931, p. 19. Illustration de Kathleen Shackleton.
Légende : L’artiste reconstitue les derniers moments de Cadieux. Celui-ci découpe la feuille de bouleau sur laquelle il rédigera sa complainte.

PHOTO No 2
Source : Canada, ministère des Mines, Principal Amber Mica Mines and Occurrences of the Province de Quebec, Sheet 703, échelle de 1/250 000 (3,95 miles au pouce), 1929. Extrait.
Légende : L’île du Grand-Calumet et les deux bras de la rivière des Outaouais ainsi que les chutes et rapides qui s’y trouvent, avant qu’ils ne soient noyés par les barrages hydroélectriques. « Calumet Falls » correspond au « Saut des sept chutes ».

PHOTO No 3
Source : George Munro Grant, Picturesque Canada; The Country as it Was and Is, Toronto, Belden Brothers, 1882, volume 1, p. 204. Photographe inconnu.
Légende : Il s’agit de « Calumet Falls », le « Saut des sept chutes », vers 1880.

PHOTO No 4
Source : Louis Taché et al., Le Nord de l’Outaouais…, Ottawa, Le Droit, 1938, p. 121. Illustration de l’abbé Laurent.
Légende : Le dessinateur reconstitue la scène où Cadieux, agonisant, serre sur son cœur « un large feuillet d’écorce de bouleau couvert d’écritures », sa complainte.

PHOTO No 5
Source : Louis Taché et al., Le Nord de l’Outaouais…, Ottawa, Le Droit, 1938, p. 122.
Légende : Une des versions de la partition musicale de la Complainte de Cadieux

PHOTO No 6
Source : Louis Taché et al., Le Nord de l’Outaouais…, Ottawa, Le Droit, 1938, p. 123.
Légende : Les paroles de la Complainte de Cadieux telles qu’elles apparaissent dans Forestiers et voyageurs de Joseph-Charles Taché

PHOTO No 7
Source : Collection Pierre Louis Lapointe. Photographie de Pierre Louis Lapointe remontant à 1974.
Légende : Il s’agit du monument à Cadieux érigé sur le site du drame, en 1891, par l’entrepreneur Joseph Bourque. Celui-ci était chargé de la construction du palais de justice de Bryson. De nos jours, il est situé dans un petit parc municipal, aménagé à proximité de l’église Sainte-Anne, dans le village de Calumet.

PHOTO No 8
Source : Collection Pierre Louis Lapointe. Photographie inconnu
Légende : Lorsque le monument à Cadieux était situé à l’écart, sur le site original, il était l’objet de vandalisme à répétition. Excédées, les autorités municipales ont préféré déplacer le monument à proximité de l’église, ce qui a mis fin à ce cirque annuel!