Localisation : « Île de Hull »
Thème : Les Algonquins de l’Outaouais
Capsule(s) reliée(s) :

1534-1760 - Les Algonquins de l’Outaouais
Capsule
A2
Une divinité rugissante : l’Asticou

Offrande de tabac à proximité de la grande Chaudière telle qu’imaginée par C. W. Jefferys vers 1930
Offrande de tabac à proximité de la grande Chaudière telle qu’imaginée par C. W. Jefferys vers 1930
La Chaudière n’étant pas encore harnachée [5]par l’impressionnant barrage en hémicycle[6], des pêcheurs s’autorisent à taquiner le poisson dans le bassin qui se trouve aux pieds de l’Asticou rugissant!
La Chaudière n’étant pas encore harnachée [5]par l’impressionnant barrage en hémicycle[6], des pêcheurs s’autorisent à taquiner le poisson dans le bassin qui se trouve aux pieds de l’Asticou rugissant!
Les chutes de la Chaudière vers 1904.  Les descriptions de Champlain et du chevalier de Troyes sont toujours valables; même après trois cent ans.
Les chutes de la Chaudière vers 1904.  Les descriptions de Champlain et du chevalier de Troyes sont toujours valables; même après trois cent ans.
Les chutes de la Chaudière, enchaînées dans le carcan du grand barrage en hémicycle et harnachées pour servir la grande industrie, vers 1930.
Les chutes de la Chaudière, enchaînées dans le carcan du grand barrage en hémicycle et harnachées pour servir la grande industrie, vers 1930.
La cérémonie du Pétun
La cérémonie du Pétun

Le rugissement et la puissance des chutes Chaudières, sont vénérés et redoutés par les Amérindiens de la vallée de l’Outaouais et par la plupart de ceux qui empruntent le sentier de portage qui contourne l’endroit, fixant avec appréhension les tourbillons d’eau qui y déferlent. Les Algonquins de la région appellent la rivière Outaouais «Kichissippi», qui signifie « Grande Rivière » et donnent à aux chutes Chaudières le nom d’« Asticou », ce qui, dans leur langue, signifie « endroit où les eaux bouillonnent ».  De là le nom que Champlain donne à la chute lors de son voyage de 1613, l’équivalent français de l’époque étant « Chaudière ». De nos jours, on utiliserait le mot « bouilloire » plutôt que « Chaudière ». Il s’agit en fait de deux chutes d’eau ; la « Grande Chaudière » et la « Petite Chaudière » mieux connue sous le nom de « Trou du Diable ». Ces eaux, emprisonnées dans un repli escarpé de la rivière, tournent sans fin, tourbillonnant et entraînant comme dans un entonnoir tout ce qui a le malheur d’être aspiré par son siphon.  Un passage souterrain évacue ces eaux, qui surgissent plus loin au fond de la rivière.

Tout comme les Autochtones vivant dans la région avant leur arrivée, les Européens étaient grandement impressionnés par cet endroit. L’historien Gabriel Sagard reste stupéfait devant « le plus admirable, le plus dangereux et le plus espouvantable de tous » les sauts1.  Alexander Henry, le premier Anglais à passer par ce sentier de portage au lendemain de la Conquête de 1760, décrit la chute avec enthousiasme2, tandis que Nicholas Garry reste bouche bée devant le spectacle qui s’offre à ses yeux.  Dans son journal personnel, il décrit la scène de la manière suivante : « Une des roches située en plein centre et plus excavée que les autres a l’apparence d’une chaudière d’eau bouillante, ce qui donne son nom à la chute ; les eaux s’enfoncent gurgite vasto3 dans ce gouffre béant.  Le territoire environnant, rocailleux et montagneux, est recouvert de pin.  Un bassin dans lequel l’eau passe et repasse sans fin sans aucun moyen apparent de s’en échapper vers une sortie est l’aspect le plus surprenant de la chute ; elle a sans doute un exutoire souterrain qu’il est impossible à découvrir4. »

Sur les rives escarpées de cette chute, les Algonquins de passage jettent avec solennité des offrandes de tabac à l’Esprit de l’Asticou, lui priant de les protéger des dangers du voyage et des embûches de leurs ennemis. C’est la « Cérémonie du Pétun » (Cérémonie du tabac), que Champlain décrit dans son récit (audio).

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Références et définitions

1 Gabriel Sagard, Le grand voyage du pays des Hurons, Paris, Librairie Tross, 1865, pages 255-256.

2 Alexander Henry,Travels and Adventures in Canada and the Indian Territories, 1760-1776, New York, I. Riley, 1809, pages 19-20.

3 Traduction: « gurgite vasto ».  Telle une « gorge insatiable ».

4 Nicholas Garry, « Diary », dansTransactions of the Royal Society of Canada, 1900, page 96.

5 Se disait à l’origine de l’opération qui consiste à atteler un cheval, à lui mettre son harnais.  L’expression est de nos jours utilisée pour décrire l’ensemble des moyens qui sont utilisés pour capter l’énergie des chutes et rapides afin d’en tirer une force motrice ou de l’électricité.

6 Il s’agit d’un barrage qui a la forme d’un demi-cercle.

Sources et légendes des médias secondaires

PHOTO No 1
Source : C. W. Jefferys, Bibliothèque et Archives du Canada, cote 2897205
Légende : Offrande de tabac à proximité de la grande Chaudière telle qu’imaginée par C. W. Jefferys vers 1930

PHOTO No 2
Source : George Munro Grant, Picturesque Canada; The Country as it Was and Is, Toronto, Belden Brothers, 1882, volume 1, page 176.  Photographe inconnu.
Légende : La Chaudière n’étant pas encore harnachée5 par l’impressionnant barrage en hémicycle6, des pêcheurs s’autorisent à taquiner le poisson dans le bassin qui se trouve aux pieds de l’Asticou rugissant!

PHOTO No 3
Source : Collection Pierre Louis Lapointe, Série Alfred Lacroix.  Photographe : Alfred Lacroix.
Légende : Les chutes de la Chaudière vers 1904.  Les descriptions de Champlain et du chevalier de Troyes sont toujours valables; même après trois cent ans.

PHOTO No 4
Source : Collection Pierre Louis Lapointe. Photographe inconnu.
Légende : Les chutes de la Chaudière, enchaînées dans le carcan du grand barrage en hémicycle et harnachées pour servir la grande industrie, vers 1930.

Texte de l'enregistrement

LA CÉRÉMONIE DU PÉTUN

«En continuant notre chemin, nous dit Champlain, nous parvînmes au saut de la Chaudière1, où les Sauvages firent la cérémonie accoutumée, qui est la suivante.  Après avoir porté leurs canots au bas du saut,  ils s’assemblent en un lieu, où l’un d’entre eux, avec un plat de bois, va faire la quête et chacun d’eux met dans ce plat un morceau de pétun2La quête faite, le plat est mis au milieu de la troupe, et tous dansent autour, en chantant à leur mode. Puis un des capitaines fait une harangue, remontrant que, depuis longtemps, ils ont l’habitude de faire une telle offrande,  et que par ce moyen, ils sont garantis de leurs ennemis, qu’autrement, il leur arriverait du malheur, ainsi que les en persuade le diable; et ils vivent en cette superstition, comme en plusieurs autres, comme nous l’avons dit en d’autres lieux.  Cela fait, le harangueur prend le plat, et va jeter le pétun au milieu de la Chaudière, et ils font un grand cri tous ensemble3.  Ces pauvres gens sont si superstitieux, qu’ils ne croiraient pas faire bon voyage, s’ils n’avaient fait cette cérémonie en ce lieu, d’autant que leurs ennemis les attendent à ce passage, n’osant pas aller plus avant, à cause des mauvais chemins, et les surprennent là, ce qu’ils ont quelquefois fait 4. »

1 Selon le récit de Samuel de Champlain, la cérémonie dont il est témoin se déroule le 11 juin 1613.

2 Il s’agit de « pétun », c’est-à-dire de tabac, l’un des produits les plus apprécié des Amérindiens.

3 Selon l’historien Gabriel Sagard (Histoire du Canada, Paris, Claude Sonnius, 1636, page 496), ces offrandes de tabac aux esprits des sites naturels exceptionnels étaient fort répandues chez les Amérindiens.  L’esprit rugissant des chutes de la Chaudière, baptisé ASTICOU par ces derniers, avait de quoi soulever leur admiration et leur respect. Voir : Samuel de Champlain, À la rencontre des Algonquins et des Hurons, 1612-1619, Québec, Septentrion, 2009, page 91, note no 116.

4 Extrait des Œuvres de Champlain, (édition Laverdière), Québec, 1870, tome 3, chapitre 3, cité dans Louis Taché et al, Le Nord de l’Outaouais, Ottawa, Le Droit, 1938, Lecture No 10, pages 114-115  et dans Samuel de Champlain, À la rencontre des Algonquins et des Hurons, 1612-1619, Québec, Septentrion, 2009, page 91.