Localisation : Canton de Buckingham
Thème : Grandeur et déclin du commerce des fourrures
Année : 1826
Capsule(s) reliée(s) :

1760-1867 - Grandeur et déclin du commerce des fourrures
Capsule
B3
L’appropriation des terres du domaine public en Outaouais

Plan-diagramme du canton de Buckingham dressé par Joseph Bouchette en 1826. On y distingue les lots réservés au clergé protestant (en noir) et les lots réservés à la Couronne (en rouge). Les lettres patentes des lots teints en vert sont déjà accordées tout comme le bloc de 2000 acres des rangs 1 et 2, à l’embouchure de la rivière au Lièvre, encadré de jaune, concédé au capitaine John Robertson.
Plan-diagramme du canton de Buckingham dressé par Joseph Bouchette en 1826. On y distingue les lots réservés au clergé protestant (en noir) et les lots réservés à la Couronne (en rouge). Les lettres patentes des lots teints en vert sont déjà accordées tout comme le bloc de 2000 acres des rangs 1 et 2, à l’embouchure de la rivière au Lièvre, encadré de jaune, concédé au capitaine John Robertson.
Il s’agit du « Diagramme D » servant à guider le lotissement des cantons riverains. Ces cantons contiennent 12 rangs ou concessions, subdivisés en 28 lots chacun. Les lots marqués de la lettre « K » (King) sont des réserves de la Couronne ; ceux marqués de la lettre « C » (Clergy) sont des réserves pour le clergé protestant.
Il s’agit du « Diagramme D » servant à guider le lotissement des cantons riverains. Ces cantons contiennent 12 rangs ou concessions, subdivisés en 28 lots chacun. Les lots marqués de la lettre « K » (King) sont des réserves de la Couronne ; ceux marqués de la lettre « C » (Clergy) sont des réserves pour le clergé protestant.
Il s’agit du « Diagramme E » servant à guider le lotissement des cantons situés à l’intérieur des terres. Ces cantons contiennent 11 rangs ou concessions, subdivisés en 28 lots chacun. Les lots marqués de la lettre « K » (King) sont des réserves de la Couronne ; ceux marqués de la lettre « C » (Clergy) sont des réserves pour le clergé protestant.
Il s’agit du « Diagramme E » servant à guider le lotissement des cantons situés à l’intérieur des terres. Ces cantons contiennent 11 rangs ou concessions, subdivisés en 28 lots chacun. Les lots marqués de la lettre « K » (King) sont des réserves de la Couronne ; ceux marqués de la lettre « C » (Clergy) sont des réserves pour le clergé protestant.
Plan du canton de Hull dressé par l’arpenteur Theodore Davis en 1801. Il est annoté et plusieurs des noms des premiers concessionnaires y sont inscrits. Le code de couleur qui distingue les lots réservés au clergé protestant (en noir/ gris) de ceux réservés à la Couronne (en rouge) y apparaît également. Notons cependant que quatre rangs additionnels (les rangs 13, 14, 15 et 16) sont ajoutés au nord du canton.
Plan du canton de Hull dressé par l’arpenteur Theodore Davis en 1801. Il est annoté et plusieurs des noms des premiers concessionnaires y sont inscrits. Le code de couleur qui distingue les lots réservés au clergé protestant (en noir/ gris) de ceux réservés à la Couronne (en rouge) y apparaît également. Notons cependant que quatre rangs additionnels (les rangs 13, 14, 15 et 16) sont ajoutés au nord du canton.
Peinture de I.D. Engleheart, de 1815, représentant Joseph Bouchette, l’arpenteur général du Bas-Canada.
Peinture de I.D. Engleheart, de 1815, représentant Joseph Bouchette, l’arpenteur général du Bas-Canada.
Plan de la seigneurie de la Petite-Nation inspiré du plan de l’arpenteur John Newman dressé en 1848. Cette version remonte au 11 septembre 1878.
Plan de la seigneurie de la Petite-Nation inspiré du plan de l’arpenteur John Newman dressé en 1848. Cette version remonte au 11 septembre 1878.
Plan du canton de Portand dressé en 1852-1853 par l’arpenteur provincial J.S. King. Ce canton de l’intérieur des terres, à cheval sur la rivière au Lièvre, n’a que dix rangs ou concessions, contrairement au diagramme « E » qui en suggère onze idéalement. Notons également que les lots y sont pour la plupart subdivisés en demi-lots d’environ 110 acres.
Plan du canton de Portand dressé en 1852-1853 par l’arpenteur provincial J.S. King. Ce canton de l’intérieur des terres, à cheval sur la rivière au Lièvre, n’a que dix rangs ou concessions, contrairement au diagramme « E » qui en suggère onze idéalement. Notons également que les lots y sont pour la plupart subdivisés en demi-lots d’environ 110 acres.

L’appropriation des terres de l’Outaouais

La concession des terres les plus intéressantes de l’Outaouais se fait surtout de 1796 à 1809. Il s’agit, en fait, d’une privatisation des terres publiques. Au cours de cette brève période, plus d’un million et demi d’acres de terre du domaine public québécois passent aux mains d’une poignée d’individus1. Dans l’Outaouais, au cours de la même période, 15 000 hectares de forêts sont consacrés à l’agriculture et à l’établissement de noyaux villageois. Les territoires qui sont ainsi soustraits au domaine public, sont pour la plupart subdivisés en cantons!  Une partie seulement de notre région échappe à cette règle et c’est le territoire de la Petite-Nation, seigneurie concédée à Monseigneur Laval sous le Régime français, acquise par Joseph Papineau en 1801 et vendue à son fils Louis-Joseph Papineau, le célèbre tribun, en 18172. Plus tard, à partir de 1827, le gouvernement réglemente l’exploitation des ressources forestières en accordant des licences pour la coupe de bois sur le domaine public, ce qui est à l’origine du régime des concessions forestières, système qui régira l’exploitation des forêts de l’Outaouais pendant plus de 150 ans.

Le système des cantons

De 1763 à 1840, la concession des terres publiques a connu différents modes de concession.3  Retenons de tous ces changements, le retour définitif, en 1786, à la tenure «en franc et commun soccage»4, système par lequel le colon devient seul propriétaire de sa terre une fois remplies les conditions exigées par le gouvernement; on lui émet alors les « lettres patentes5 » qui lui permettent de l’exploiter et de la revendre à son seul profit.

Officiellement, cependant, de 1791 à 1806, l’émission de ces lettres patentes s’accompagne de certaines exigences.  Il faut, dans les 3 ans, défricher un minimum de 3 acres par 100 acres concédées, et 7 acres par 100 acres concédées dans les sept ans qui suivent l’attribution de la concession.  Or, ces conditions sont rarement respectées et le système, grâce à la négligence voire à la connivence des autorités, permet l’accaparement de cantons entiers par quelques individus assoiffés de spéculation.6

L’Acte constitutionnel prévoit la division des terres de la Couronne en «townships» ou «cantons» qui, le long d’une rivière navigable, doivent mesurer «neuf milles de front sur douze milles de profondeur» (14,4 km par 19,2 km) et à l’intérieur des terres avoir une superficie de dix milles carrés (16 km).7  On décide également de réserver un septième des terres concédées pour l’entretien du clergé protestant8 et d’un septième comme réserve de la Couronne9, pour aider au financement du gouvernement10.

Le régime seigneurial : l’exemple de la Petite-Nation.

Les tenanciers ou détenteurs d’une terre « en roture » sont soumis à des conditions qui n’ont rien de très contraignant.  Ils doivent verser un loyer annuel, généralement très modique, au seigneur; il s’agit d’une somme d’argent et parfois, de victuailles (une couple de volailles, un canard ou un minot de blé).  Ils sont obligés de faire moudre leur grain au moulin banal ou moulin du seigneur et d’en remettre un quatorzième comme « mouture » ou paiement pour l’usage du moulin.  Ils sont également contraints, tout comme les habitants des cantons, à réparer les chemins qui traversent leurs terres.  Lorsque une terre est transmise à un autre censitaire par vente ou autrement, un douzième du prix de vente doit être versé au seigneur.  Ce revenu, les « lods et ventes », s’ajoute au dixième de toute pêche effectuée à l’intérieur de la seigneurie, payable au seigneur, en nature ou en argent. Mais nous verrons que l’exploitation forestière constitue l’un des droits qui lui rapporte le plus; il peut couper du bois partout sur sa seigneurie pour construire des moulins ou tout autre ouvrage d’intérêt public11.

La concession forestière

Une concession forestière désigne un territoire boisé du domaine public, attribué à un concessionnaire, généralement par voie d’enchères publiques.  Par cet affermage à l’enchère, l’entrepreneur forestier acquiert le droit exclusif d’exploiter, sur un territoire donné, les bois de commerce qui ont les dimensions spécifiées dans les règlements en vigueur12.

Le concessionnaire forestier est tenu de verser un certain nombre de primes et de redevances au gouvernement en retour de ses droits de coupe.

Une prime d’affermage doit être payée lors de l’attribution de la concession. Le montant de cette prime varie considérablement dans le temps. À la fin du dix-neuvième siècle, elle n’est en moyenne que de 10 $ le mile carré (1 mile2 = 2,5 km2), de 1900 à 1909 elle atteint une moyenne de 50 à 150 $ le mile carré et de 1924 à 1930, elle oscille de 100 à 900 $ le mile carré13. Par ailleurs, le concessionnaire doit aussi acquitter annuellement la rente foncière.  À ses débuts, en 1851, elle est de cinquante cents du mile carré et de 1918 aux années 1940, de 8 $ le mile carré14. Le concessionnaire doit également verser au gouvernement des « droits de coupe », une redevance sur le bois effectivement coupé. Ces droits varient en fonction des essences et de l’utilisation que l’on fait du bois qui est récolté15. Et lorsque le concessionnaire veut céder ses concessions à un autre entrepreneur, il doit payer une « prime de transfert » et cette transaction doit faire l’objet d’un acte notarié.  De 1868 à 1880, cette prime est de 8 $ du mile carré.  Réduite à un dollar en 1880, elle est augmentée à 4 $ en 1901, à 20 $ en 1920, à 50 $ en 1937, à 60 $ en 194116 et à 65 $ le mile carré en 196017.

Avec le temps, plusieurs obligations sont venues s’ajouter au versement de ces primes, de ces redevances et de ces droits. Une réglementation est venue imposer un diamètre minimum pour la coupe des arbres et l’obligation d’investir dans la protection contre les feux de forêts, de réaliser et de tenir à jour un inventaire forestier et de dresser un plan d’aménagement forestier18. De 1970 à 2013, en fait, le gouvernement du Québec a procédé à une refonte complète du régime des concessions forestières, réduisant graduellement le rôle joué par les compagnies privées dans l’aménagement et l’usage de la forêt publique.

Références et définitions

1 J.-C. Langelier, Liste des terrains concédés par la Couronne dans la Province de Québec, de 1763 au 31 décembre 1890, Québec, C.-F. Langlois, 1891, pages 7-8.

2 Louis Taché et al, Le Nord de l’Outaouais…, Ottawa, Le Droit, 1938, page 256.

3 J. C. Langelier, Op.cit, page 7 et Yvanhoé Caron, La colonisation de la Province de Québec …, Québec, [s. é.], 1927.

4 Ibid, pages 4 et 5.  En 1791, l’Acte constitutionnel divise le Canada en deux provinces, le Haut-Canada et le Bas-Canada, et ordonne que les terres publiques soient concédées «en franc et commun soccage» seulement. L’article 42 de l’Acte constitutionnel vient donc réaffirmer la décision de 1786.  La tenure en soccage dérive du soccre, franchise ou liberté.  Ceux qui ont obtenu des concessions de terre sous ce mode en sont propriétaires incommutables, sauf l’accomplissement de certaines conditions d’établissement, avant d’en obtenir les lettres patentes, et dans quelques cas, après l’obtention des lettres patentes.  Voir : J. Bouffard, Traité du domaine, Québec, Le Soleil Limitée, 1921, page 14.

5 Pour la liste complète des « terrains concédés par la Couronne dans la Province de Québec de 1763 au 31 décembre 1890 », voir : J.-C. Langelier, Op.cit, pages 1-1927.

6 J.-C. Langelier, Op.cit, page 7.

7 Yvanhoé Caron, Op.cit, page 22.  Voir aussi : Joseph Bouchette, Op. cit., pages 244-246, note explicative.

8 Les « Réserves du clergé » sont des lots qu’on loue ou que l’on vend à des particuliers ; les revenus de ces ventes et de ces locations sont remis au clergé protestant.  Voir : R. Greffard, Arpentage et concession des terres au début du régime anglais, Québec, No 16 des publications de la Société de géodésie, 1942, page 12 et Fernand Martel, Le système du canton au Québec,  Québec, Service de l’arpentage, Ministère de l’Énergie et des Ressources, 1986, 88 pages.

9 Les « Réserves de la Couronne » visent à prélever par vente ou autrement, un fonds qui peut servir au maintien du gouvernement.  Ces réserves doivent être situées et mêlées de telle façon aux terres concédées à d’autres personnes de telle sorte que sa possession en soit éventuellement désirée par ceux qui sont établis à proximité lorsque leur propre terre sera cultivée.  La demande de créer ces réserves est faîte par Lord Dundas à Lord Dorchester dans une dépêche du 16 septembre 1791.  Voir : A.G. Doughty et A. Short, Documents relatifs à l’histoire constitutionnelle du Canada, 1791-1818, Ottawa, Imprimeur du Roi, 1921, page 59.

10 Ibid, page 24.

11 Joseph Bouchette, A Topographical Description of the Province of Lower Canada…, London, W. Faden, 1815, pages 11-15.  Pour un traitement plus approfondi du regime seigneurial et des droits et obligations des censitaires et des seigneurs, voir: Louise Dechêne, Habitants et marchands de Montréal au XVIIe siècle, Montréal et Paris, Plon, 1974, pages 241-258.

12 Pierre Asselin, « L’administration du domaine forestier » dans Esdras Minville (Éd.), La Forêt, Montréal, Éditions Fides, 1944, pages 81-82.  Également : Michel Duchesneau, « Gestion de la forêt publique et modes d’allocation de la matière ligneuse avant 1986 », Rapport préparé pour la Commission d’étude sur la gestion de la forêt publique québécoise, mai 2004, page 1.

13 Pierre Asselin, Op. cit, pages 92-93.

14 Pierre Asselin, Op. cit, page 97.

15 Pierre Asselin, Op. cit, page 97.

16 Pierre Asselin, Op. cit, page 95.

17 Michel Duchesneau, Op. cit,  page 3.

18 Pierre Asselin, Op. cit, pages 98-99.  Aussi : Michel Duchesneau, Op. cit,  page 2.

Sources et légendes des médias secondaires

PHOTO No 1
Source : Ministère des Ressources naturelles et de la Faune, Archives d’arpentage, PL70B032-7-1.
Légende : Plan-diagramme du canton de Buckingham dressé par Joseph Bouchette en 1826. On y distingue les lots réservés au clergé protestant (en noir) et les lots réservés à la Couronne (en rouge). Les lettres patentes des lots teints en vert sont déjà accordées tout comme le bloc de 2000 acres des rangs 1 et 2, à l’embouchure de la rivière au Lièvre, encadré de jaune, concédé au capitaine John Robertson.

PHOTO No 2
Source : Fernand Martel, Le système du canton au Québec,  Québec, Service de l’arpentage, Ministère de l’Énergie et des Ressources, 1986, page 21.
Légende : Il s’agit du « Diagramme D » servant à guider le lotissement des cantons riverains. Ces cantons contiennent 12 rangs ou concessions, subdivisés en 28 lots chacun. Les lots marqués de la lettre « K » (King) sont des réserves de la Couronne ; ceux marqués de la lettre « C » (Clergy) sont des réserves pour le clergé protestant.

PHOTO No 3
Source : Fernand Martel, Le système du canton au Québec,  Québec, Service de l’arpentage, Ministère de l’Énergie et des Ressources, 1986, page 22.
Légende : Il s’agit du « Diagramme E » servant à guider le lotissement des cantons situés à l’intérieur des terres. Ces cantons contiennent 11 rangs ou concessions, subdivisés en 28 lots chacun. Les lots marqués de la lettre « K » (King) sont des réserves de la Couronne ; ceux marqués de la lettre « C » (Clergy) sont des réserves pour le clergé protestant.

PHOTO No 4
Source : Bibliothèque et Archives nationales du Québec, Centre d’archives de Québec, E21, S555, SS1, SSS1, PH_17.
Légende : Plan du canton de Hull dressé par l’arpenteur Theodore Davis en 1801. Il est annoté et plusieurs des noms des premiers concessionnaires y sont inscrits. Le code de couleur qui distingue les lots réservés au clergé protestant (en noir/ gris) de ceux réservés à la Couronne (en rouge) y apparaît également. Notons cependant que quatre rangs additionnels (les rangs 13, 14, 15 et 16) sont ajoutés au nord du canton.

PHOTO No 5
Source : Joseph Bouchette, A Topographical Description of the Province of Lower Canada…, London, W. Faden, 1815, page de garde de l’ouvrage.
Légende : Peinture de I.D. Engleheart, de 1815, représentant Joseph Bouchette, l’arpenteur général du Bas-Canada.

PHOTO No 6
Source : Ministère des Ressources naturelles et de la Faune, Archives d’arpentage, PL07P004##C.
Légende : Plan de la seigneurie de la Petite-Nation inspiré du plan de l’arpenteur John Newman dressé en 1848. Cette version remonte au 11 septembre 1878.

PHOTO No 7
Source : Ministère des Ressources naturelles et de la Faune, Archives d’arpentage, PL01P017##B
Légende : Plan du canton de Portand dressé en 1852-1853 par l’arpenteur provincial J.S. King. Ce canton de l’intérieur des terres, à cheval sur la rivière au Lièvre, n’a que dix rangs ou concessions, contrairement au diagramme « E » qui en suggère onze idéalement. Notons également que les lots y sont pour la plupart subdivisés en demi-lots d’environ 110 acres. Il est amusant de constater que les lots des rangs nos 5 à 10 situés le long de la rivière sont placés dans le sens contraire, perpendiculairement à la rivière, comme dans les anciennes seigneuries. Cette façon de faire, qui se répand dans les cantons à partir des années 1840, reproduit le mode de vie des « Anciens Canadiens » au cœur de l’Outaouais. (Fernand Martel, Le système du canton au Québec, Québec, Service de l’arpentage, Ministère de l’Énergie et des Ressources, 1986, pages 23-24 et 31.