Un premier bateau à vapeur, le Union of the Ottawa, construit à Hawkesbury par Thomas Mears en 1823, fait la navette entre cet endroit et Hull pendant quelques années1. Le développement de la navigation à vapeur, entre Montréal et Bytown, entraîne la construction de canaux pour permettre aux bateaux à vapeur de contourner les chutes et les rapides qui bloquent la circulation des navires (image). Le canal Rideau est terminé en 1832, les écluses de Grenville sont terminées en 1833 et celles de Sainte-Anne-de-Bellevue, en 1843. À partir de 1835, le canal Rideau et le canal Érié facilitent l’expédition de bois vers New York et l’importation de porc salé et d’approvisionnements divers pour les chantiers de l’Outaouais2 (image).
La Ottawa and Rideau Forwarding Company créée en 1837, met en service des bateaux à vapeur sur l’Outaouais, entre Lachine et Carillon et Grenville et Bytown (Ottawa), ainsi que sur le canal Rideau jusqu’à Kingston3. Elle s’intéresse à cette route de façon exclusive jusqu’à l’ouverture des canaux du Saint-Laurent, entre Montréal et le lac Ontario, en 1848. La compagnie opère un service régulier de transport de passagers de Montréal à Bytown, de 1842 à 1846. Vers 1850, cette dernière a treize bateaux à vapeur et un grand nombre de chalands à son service4 (image).
En 1846, R.W. Shepherd, père, démarre la Ottawa River Steamer Company qui prend le nom de Ottawa River Navigation Company lors de son incorporation, en 1864. Elle acquiert alors le Carillon and Grenville Railway et accroît sa flotte afin d’améliorer son service de passagers entre Montréal à Ottawa et de répondre à la demande de l’industrie du bois de sciage. Le remorquage de radeaux et de chalands, utilisés surtout pour approvisionner le marché américain, oblige la compagnie à augmenter le nombre de ses remorqueurs5. Selon R.W. Shepherd, c’est en 1841 qu’un premier bateau à vapeur tire des chalands sur le canal de Grenville et qu’un train de bois est remorqué pour traverser le lac des Deux-Montagnes6.
Plusieurs autres compagnies de navigation sont actives dans le remorquage de radeaux et le transport de bois par chalands. Vers 1867, par exemple, Sincennes et McNaughton opèrent une flotte de sept bateaux à vapeur et de 30 chalands. Toutefois, l’un des principaux acteurs dans ce champ d’activité est, sans contredit, Dennis Murphy qui crée sa propre compagnie, D. Murphy and Company, en 1880 et qui, en 1892, réussit à fusionner toutes les firmes qui œuvrent dans ce domaine sous la bannière de la Ottawa Transportation Company. Cette nouvelle compagnie a alors huit bateaux à vapeur et 67 chalands à son service7.
De 1860 à 1880, une transformation majeure survient dans le transport du bois. Les radeaux de bois équarri8 et de madriers9 cèdent la place aux chalands. Plusieurs raisons amènent ce changement. Les entrepreneurs forestiers s’aperçoivent tout d’abord qu’il leur en coûte moins cher en main-d’œuvre lorsqu’ils font remorquer leurs radeaux10. Puis, ils découvrent les avantages qui se rattachent au transport par chalands. Il est payant d’empiler et de faire sécher les madriers et les planches dans les cours à bois des scieries et de les expédier par chalands. Le bois séché est plus léger, plus facile à manipuler et moins cher à expédier. Il est propre lorsqu’il arrive à Québec ou dans les autres lieux d’expédition11. Le bois transporté par radeaux, quant à lui, est sale, mouillé et lourd lorsqu’il parvient à Québec. Il faut alors nettoyer et empiler les madriers pour les faire sécher dans les cours à bois de Sillery. Or, l’espace pour y faire de tels empilements manque en périphérie des anses qui s’étendent de Cap Rouge à Sillery. Il s’ensuit ce qui devait inévitablement se produire12. Les radeaux, qui dominent encore en nombre absolu dans les années 1870, disparaissent au cours de la décennie 188013. Les chalands prennent la relève.
Des chalands et des remorqueurs assurent donc le transport du bois de sciage et, plus tard, des pâtes et papiers vers le marché américain. Pour ce faire, on passe par les canaux canadiens et américains. La voie du canal Rideau donne accès aux canaux américains de Buffalo et Érié, tandis que le canal Chambly assure la liaison avec les canaux de l’Hudson via le Richelieu et le lac Champlain. De là l’importance d’endroits comme Burlington et Albany dans l’histoire du commerce du bois en provenance de l’Outaouais. En 1871, il y a 45 remorqueurs et 251 chalands en activité sur la rivière des Outaouais. C’est le début de l’âge d’or de ce mode de transport14. Les chalands bleus, d’une capacité de 300 000 pieds de bois, utilisent les canaux de l’Outaouais et du Richelieu, tandis que les chalands blancs, d’une capacité de 175 000 pieds de bois, sont seuls capables d’emprunter le canal Érié. En 1898, on rapporte qu’il n’y a plus que 16 remorqueurs et 137 chalands en service sur l’Outaouais. En 1901, ce nombre a chuté à 16 remorqueurs et 75 chalands et, en 1911, à deux remorqueurs et 35 chalands15. L’arrivée du chemin de fer, qui opère l’année durant, réduit l’importance de ce trafic fluvial. Le train, beaucoup plus rapide, réduit à quatre jours le délai de livraison d’Ottawa à Boston. En comparaison, le trajet beaucoup plus court Ottawa-Burlington, par chalands, prend plus de dix jours16.
Allez plus loin sur le web!
Découvrez le personnage de Jacques-Félix Sincennes, un entrepreneur qui joua un rôle important dans le transport par barge sur la rivière Richelieu en visitant le site web du Dictionnaire biographique du Canada à :
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Découvrez l’énorme personnage de John Joseph Caldwell Abbott, un juriste et un homme politique considérable, étroitement relié au comté d’Argenteuil, qui fut pour un bref moment propriétaire du « Carillon and Grenville Rail Road » en visitant le site web du Dictionnaire biographique du Canada à :
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Apprenez-en plus sur un pionnier du transport de produits agricoles et forestiers dans l’Outaouais, Moss Kent Dickinson, dans le Dictionnaire biographique du Canada en ligne :
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1 John W. Hughson et Courtney C. J. Bond, Hurling Down the Pine, Chelsea, The Historical Society of the Gatineau, 1987, p. 14, 19 et 22.
2 Arthur R.M. Lower, The North American Assault on the Canadian Forest, Toronto, Ryerson Press, 1938, p. 95-96 et 109. Également : Albert Faucher, Québec en Amérique au XIXe siècle, essai sur les caractères économiques de la Laurentie, Montréal, Fides, 1973, p. 25-26.
3 John W. Hughson et Courtney C. J. Bond, op. cit., p. 110.
4 Ibid., p. 110.
5 Ibid., p. 110.
6 R.W. Shepherd, « Navigation on the Ottawa River » dans C. Thomas, History of the Counties of Argenteuil, Que., and Prescott, Ont., from the Earliest Settlement to the Present, Montreal, John Lovell, 1896, p. 28.
7 John W. Hughson et Courtney C. J. Bond, op. cit., p. 110.
8 Lorne F. Hammond, Capital, Labour and Lumber: James MacLaren, Ottawa Valley Lumberman, 1850-1919, thèse de doctorat en histoire, Université d’Ottawa, 1993, p. 150. Les radeaux de bois équarri avaient deux couches de plançons.
9 Ibid., p. 150. Les radeaux composés exclusivement de madriers comprennent de 10 à 12 couches de madriers de trois pouces d’épaisseur.
10 Ibid., p. 148 et 156. La masse salariale était réduite de 50 %.
11 Ibid., p. 156 et 158.
12 Ibid., p. 158.
13 Ibid., p. 157.
14 David Lee, Forest Products Industries in the Ottawa Valley, 1850-1925, Ottawa, Historic Sites and Monuments Board of Canada, 1985, p. 107-108.
15 John W. Hughson et Courtney C. J. Bond, op. cit., p. 113.
16 Arthur R.M. Lower, op. cit., p. 110.
PHOTO No 1
Source : George Munro Grant, Picturesque Canada; The Country as it Was and Is, Toronto, Belden Brothers, 1882, volume 1, p. 157.
Légende : Remorquage de radeaux, de chalands et d’estacades de billots par des bateaux à vapeur, vers 1880
PHOTO No 2
Source : Bibliothèque et Archives Canada, C-2984. Photographe inconnu.
Légende : Chalands amarrés au quai de la Sulphite de E.B. Eddy, vers 1898
PHOTO No 3
Source : Collection Pierre Louis Lapointe.
Légende : Carte des Canaux construits et projetés du District de Montréal en 1867-1868
PHOTO No 4
Source : Collection Pierre Louis Lapointe.
Légende : Plan intitulé Port of New York to Montreal Waterway situant le New York State Barge Canal et les canaux de Chambly et Champlain
PHOTO No 5
Source : George Munro Grant, Picturesque Canada; The Country as it Was and Is, Toronto, Belden Brothers, 1882, volume 1, p. 175.
Légende : Illustration du pont suspendu Union enjambant les chutes des Chaudières vers 1880. En arrière-plan, nous apercevons des chalands en train d’être chargés de bois, vraisemblablement destiné à satisfaire la demande de clients américains.
PHOTO No 6
Source : Archives photographiques Notman, Musée McCord.
Légende : Chargement de planches et de madriers sur un chaland aux Chaudières, vers 1873
PHOTO No 7
Source : Collection Pierre Louis Lapointe. Photographe inconnu.
Légende : Chalands et remorqueurs en face de l’actuel parc Jacques-Cartier, vers 1920. C’est à cet endroit que se trouve le petit chantier naval où sont construits et réparés les chalands. La flotte de chalands semble en diminution. En arrière-plan, l’usine de la compagnie Smart and Woods et, à la droite, les empilements de planches de la cour à bois de l’ancienne scierie Gilmour and Hughson.
PHOTO No 8
Source : Collection Pierre Louis Lapointe. Photographe inconnu.
Légende : Chalands et remorqueurs à vapeur amarrés, dont l’« Ottawan », vers 1928
PHOTO No 9
Source : George Munro Grant, Picturesque Canada; The Country as it Was and Is, Toronto, Belden Brothers, 1882, volume 1, p. 142.
Légende : Illustration de bateaux à vapeur et de chalands qui attendent à l’entrée du canal Lachine.
PHOTO No 10
Source : Collection Pierre Louis Lapointe. Photographe inconnu.
Légende : Radeau de bois de la compagnie W.H. Kelly empruntant une des écluses du canal de Grenville et Carillon en 1912.
PHOTO No 11
Source : George Munro Grant, Picturesque Canada; The Country as it Was and Is, Toronto, Belden Brothers, 1882, volume 1, p. 142.
Légende : Bateau à vapeur pénétrant dans une des écluses du canal Lachine.