Localisation : De la souche au moulin
Thème : Rapides-des-Joachims
Année : vers 1900
Capsule(s) reliée(s) :

1867-1960 - Rapides-des-Joachims
Capsule
C3
Le sport extrême des anciens : la drave !

Campement de draveurs sur les rives de la rivière des Outaouais, près de Rapides-des-Joachims, vers 1900
Campement de draveurs sur les rives de la rivière des Outaouais, près de Rapides-des-Joachims, vers 1900
Le point de départ de la drave, aux sources d’une des rivières du bassin de l’Outaouais, vers 1940
Le point de départ de la drave, aux sources d’une des rivières du bassin de l’Outaouais, vers 1940
« Glanage » au rapide de la Montagne, le spectacle impressionnant des billes de bois basculées dans la rivière, le début d’une longue course jusqu’aux usines de transformation.
« Glanage » au rapide de la Montagne, le spectacle impressionnant des billes de bois basculées dans la rivière, le début d’une longue course jusqu’aux usines de transformation.
Scène typique de récupération de billes échouées sur les rives d’une rivière.
Scène typique de récupération de billes échouées sur les rives d’une rivière.
La tâche qui s’annonce déconcertante rappelle les « Douze travaux d’Astérix »
La tâche qui s’annonce déconcertante rappelle les « Douze travaux d’Astérix »
« Barge d’Ottawa » ou « Pointer » sautant des rapides dans la rivière Rouge en 1936.
« Barge d’Ottawa » ou « Pointer » sautant des rapides dans la rivière Rouge en 1936.
Embâcle sur la rivière Gatineau près de Limbour
Embâcle sur la rivière Gatineau près de Limbour
Travailleurs de la Upper Ottawa Improvement Company rivalisant d’efforts pour briser un embâcle sur la rivière des Outaouais, près de Bryson, le 14 septembre 1942
Travailleurs de la Upper Ottawa Improvement Company rivalisant d’efforts pour briser un embâcle sur la rivière des Outaouais, près de Bryson, le 14 septembre 1942
Remorquage de milliers de billes de bois emprisonnées dans une estacade sur la rivière des Outaouais, dans la région du lac des Allumettes
Remorquage de milliers de billes de bois emprisonnées dans une estacade sur la rivière des Outaouais, dans la région du lac des Allumettes
Travailleurs de la Upper Ottawa Improvement Company oeuvrant au tri des billes de bois sur les estacades de Bryson, sur la rivière des Outaouais, vers 1942
Travailleurs de la Upper Ottawa Improvement Company oeuvrant au tri des billes de bois sur les estacades de Bryson, sur la rivière des Outaouais, vers 1942
Tri des billes à l’embouchure de la rivière Gatineau vers 1947. Lorsque ce couloir de triage ne sert pas, une longue pièce de bois est placée en travers de l’entrée. Il s’agit de la « barre de fermeture », mieux connue sous son appellation anglaise « gap-stick ». De là, vraisemblablement, on tire l’usage local de l’expression « La Gappe », immortalisée dans le nom d’un boulevard de la ville de Gatineau.
Tri des billes à l’embouchure de la rivière Gatineau vers 1947. Lorsque ce couloir de triage ne sert pas, une longue pièce de bois est placée en travers de l’entrée. Il s’agit de la « barre de fermeture », mieux connue sous son appellation anglaise « gap-stick ». De là, vraisemblablement, on tire l’usage local de l’expression « La Gappe », immortalisée dans le nom d’un boulevard de la ville de Gatineau.
Tri des billes de bois acheminées à l’usine de pâte chimique de la compagnie E.B. Eddy sur la rivière des Outaouais, à Hull, vers 1946. De nos jours, il s’agit de l’emplacement du Musée canadien d’histoire.
Tri des billes de bois acheminées à l’usine de pâte chimique de la compagnie E.B. Eddy sur la rivière des Outaouais, à Hull, vers 1946. De nos jours, il s’agit de l’emplacement du Musée canadien d’histoire.

À la fin du mois de mars, quand la coupe et le transport du bois sont terminés, la plupart des hommes quittent le chantier. Les plus aventureux cependant, attirés par les salaires plus élevés qui sont payés pour faire la drave, restent. Ils sont rejoints un peu plus tard par des fils de cultivateurs surtout, des habitués du flottage du bois et du « dérivage1 », opération qui consiste à dégager les billes de bois qui s’échouent sur les rives des cours d’eau ou qui se coincent dans des embâcles. Armés de leurs tourne-billes et de leurs gaffes2, ils travaillent de quatorze à seize heures par jour, dans l’eau jusqu’à la ceinture (image)!

Les équipes de draveurs forment au total un contingent d’une cinquantaine d’hommes3. Arrivés quelques jours à peine avant que les lacs ne calent et que la débâcle ne se produise, ils sont accueillis par le contremaître de la drave. Son premier défi : installer le premier campement de la drave! Il s’agit de dresser cinq tentes, dont l’une abrite la cuisine ou « cookerie », le logement du cuisinier et de son second et l’entrepôt de denrées périssables. Une deuxième tente sert de logement au contremaître et à son adjoint. Les trois autres tentes servent de dortoirs rudimentaires pour une quinzaine d’hommes chacune. Au fur et à mesure de la descente vers le bas des bassins versants, le campement est déplacé pour suivre le travail des draveurs (image).

Le rôle du contremaître est déterminant; c’est son sens de l’organisation et la justesse de ses décisions qui permettent de réussir la drave. Il lui faut profiter au maximum des hautes eaux printanières tout en espérant que Dame Nature lui soit favorable. Si la crue facilite la descente, elle peut en revanche augmenter le nombre de billes qui s’accrochent dans les aspérités de la rive, sur les battures et dans les broussailles, ce qui donne encore plus de travail aux draveurs. En fait, même le meilleur des contremaîtres se doit d’être chanceux!

Le personnel de la drave se divise en deux groupes : six hommes travaillent sur l’eau, à bord d’une « barque d’Ottawa », six autres les précèdent en longeant les rives à la recherche des billes échouées, qu’ils s’empressent de relancer dans le courant.

Les draveurs qui sont sur la barque ont pour mission de débloquer les embâcles manuellement, à l’aide de leur outillage (gaffes, tourne-billes, etc.), ou, lorsqu’il s’agit de bois de pulpe, de les faire sauter à la dynamite. C’est un travail dangereux et les risques sont énormes.4  Lorsque la mèche est allumée, il faut se sauver à toutes jambes pour être à l’abri de l’explosion, car lorsque l’embâcle est emportée, comme le chante si bien Félix Leclerc :

… il faut pas être là quand ça part
Ça vous tue, ça vous couche, ça vous mord
Ça vous traverse un gars de bord en bord
Ça s’amuse à crever le plus fort
D’abord

(La Drave, Félix Leclerc)

L’embarcation à bord de laquelle ils travaillent est connue sous le nom de « pointer » à cause de ses extrémités pointues (image). Conçue par John Cockburn d’Ottawa vers 1859, pour le compte du grand entrepreneur forestier J.R. Booth5, cette barge à fond plat et sans quille s’avère très maniable. C’est à cause de ces qualités que cette « barge d’Ottawa » sera en usage dans l’industrie forestière, à travers tout le Canada et partout au Québec6.

Les  « dériveurs » qui longent les rives à la recherche des billes échouées, sont également chargés d’ouvrir les vannes des écluses et de débarrer les jetées et les empilements de billes qui surplombent les berges afin de les faire culbuter dans l’eau8 Par ailleurs, à force de travailler dans l’eau glacée et d’être détrempés à longueur de journée, les draveurs et dériveurs sont sujets « aux engelures, à l’arthrite de la « jambe noire », et aux rhumatismes »9.

Allez plus loin sur le web!
Court métrage (20 minutes) de Raymond Garceau, réalisateur à l’Office national du film du Canada, dans lequel l’auteur-compositeur Félix Leclerc raconte, dans une langue savoureuse, l’aventure fantastique que vivent chaque année les draveurs de la vallée de l’Outaouais. Perche ou bâton de dynamite au bout des bras, ils font franchir aux billots des centaines de kilomètres de rivières, de chutes et de lacs. Un métier dur, impitoyable, rempli de poésie.
Site Web

Article de Serge Gauthier sur le site de l’Encyclopédie du patrimoine culturel de l’Amérique française à propos de Menaud maître-draveur, œuvre de Félix-Antoine Savard.
Site Web

Visitez le Centre d’interprétation de l’historique de la protection des forêts contre le feu où se trouve le « Pytonga », un remorqueur qui tira pendant de nombreuses années des millions de mètres cube de bois sur le réservoir Baskatong, l’un des plans d’eau les plus importants de la Haute-Gatineau.
Site Web

Références et définitions

1 Ce nom est tiré du verbe « dériver ». Il s’agit de détourner les billes (grumes) qui s’accrochent au rivage ou aux rochers pour les renvoyer au centre du cours d’eau pour qu’elles poursuivent leur descente vers les moulins.

2 La gaffe est un instrument en fer à un ou deux crochets fixés au bout d’un manche de bois mesurant de 10 à 14 pieds (de 3 à 4 mètres) de longueur. Elle sert à déplacer et à diriger les bois dans l’eau, qu’il s’agisse de pièces de bois équarri (plançons), de grumes (ou « billots ») ou de « pitounes » de quatre pieds (1 m 25). La gaffe porte aussi les noms de « croc de marinier », « gaff » et « pike ». Nous pouvons voir les draveurs se servant de cet outil dans plusieurs des photographies associées à la présente capsule.

3 De nombreux auteurs se sont intéressés aux opérations de flottage et de drave. Soulignons en passant la description de A.R.M. Lower dans, The North American Assault on the Canadian Forest, New York, Greenwood Press, 1938, pages 33, 36-38 et 42 et celle que l’on retrouve dans John W. Hughson et Courtney C. J. Bond, Hurling Down the Pine, Chelsea, The Historical Society of the Gatineau, 1987, pages 93-96.

4 Le Père Louis Taché décrit avec admiration le travail de draveurs qui brisent un embâcle près du pont Alonzo Wright à l’embouchure de la rivière Gatineau. Sa description de la dextérité et de la vitesse avec laquelle ces hommes manient la barge, les gaffes et les « cantouques » mérite lecture. Voir : « La Drave » dans Louis Taché et al, Le Nord de l’Outaouais. Manuel-répertoire d’histoire et de géographie régionales, Ottawa, Le Droit, 1938, pages 61-64.

5 Ontario Department of Lands and Forests, Operations Branch, The Pointer Boat, Ontario, Ontario Department of Lands and Forests, Operations Branch, 1963.

6 «  Longues de quelque vingt pieds, l’avant et l’arrière fortement relevés, ces embarcations à fond plat et étroit sont d’une souplesse étonnante. »  Normand Lafleur, La drave en Mauricie des origines à nos jours. Histoire et traditions, Trois-Rivières, Éditions du Bien public, 1970, pages 83-84.

7 Roland Saint-Amand nous livre une remarquable étude des techniques du flottage et de la drave dans sa thèse de maîtrise en géographie de l’Université Laval (1969) intitulée Les Laurentides batiscanaises; une géographie de l’exploitation des ressources naturelles.

8 A.R.M. Lower, Op. cit., pages 38-39 et Sandra J. Gillis, The Timber Trade in the Ottawa Valley, 1806-1854, Ottawa, Parks Canada, Manuscript Report No 153, pages 158-160.

9 Donald MacKay, The Lumberjacks, Toronto, McGraw-Hill Ryerson Limited, page 120. Pour une autre reference à cette arthrite dite de la  « jambe noire » voir: http://www.civilisations.ca/cmc/exhibitions/hist/canp1/ca03fra.shtml

Sources et légendes des médias secondaires

PHOTO No 1
Source : Collection Pierre Louis Lapointe. Photographe inconnu.
Légende : Campement de draveurs sur les rives de la rivière des Outaouais, près de Rapides-des-Joachims, vers 1900

PHOTO No 2
Source : Bibliothèque et Archives Canada. Photographe inconnu.
Légende : Le point de départ de la drave, aux sources d’une des rivières du bassin de l’Outaouais, vers 1940

PHOTO No 3
Source : BAnQ-CAQ. Photographe inconnu. E57, S1, PA 18-49.
Légende : « Glanage » au rapide de la Montagne, le spectacle impressionnant des billes de bois basculées dans la rivière, le début d’une longue course jusqu’aux usines de transformation.

PHOTO No 4
Source : BAnQ-CAQ, E57, S1, PB-54-38. Photographe inconnu.
Légende : Scène typique de récupération de billes échouées sur les rives d’une rivière.

PHOTO No 5
Source : BAnQ-CAQ, E57. Photographe inconnu.
Légende : La tâche qui s’annonce déconcertante rappelle les « Douze travaux d’Astérix »

PHOTO No 6
Source : Collection Pierre Louis Lapointe. Photographe inconnu.
Légende : « Barge d’Ottawa » ou « Pointer » sautant des rapides dans la rivière Rouge en 1936.

PHOTO No 7
Source : Collection Pierre Louis Lapointe. Photographe inconnu.
Légende : Embâcle sur la rivière Gatineau près de Limbour

PHOTO No 8
Source : Collection Pierre Louis Lapointe. Photographe inconnu.
Légende : Travailleurs de la Upper Ottawa Improvement Company rivalisant d’efforts pour briser un embâcle sur la rivière des Outaouais, près de Bryson, le 14 septembre 1942

PHOTO No 9
Source : Collection Pierre Louis Lapointe. Photographe inconnu.
Légende : Remorquage de milliers de billes de bois emprisonnées dans une estacade sur la rivière des Outaouais, dans la région du lac des Allumettes

PHOTO No 10
Source : Collection Pierre Louis Lapointe. Photographe inconnu.
Légende : Travailleurs de la Upper Ottawa Improvement Company oeuvrant au tri des billes de bois sur les estacades de Bryson, sur la rivière des Outaouais, vers 1942

PHOTO No 11
Source : Collection Pierre Louis Lapointe. Photographe inconnu.
Légende : Tri des billes à l’embouchure de la rivière Gatineau vers 1947. Lorsque ce couloir de triage ne sert pas, une longue pièce de bois est placée en travers de l’entrée. Il s’agit de la « barre de fermeture », mieux connue sous son appellation anglaise « gap-stick ». De là, vraisemblablement, on tire l’usage local de l’expression « La Gappe », immortalisée dans le nom d’un boulevard de la ville de Gatineau.

PHOTO No 12
Source : Collection Pierre Louis Lapointe. Photographe inconnu.
Légende : Tri des billes de bois acheminées à l’usine de pâte chimique de la compagnie E.B. Eddy sur la rivière des Outaouais, à Hull, vers 1946. De nos jours, il s’agit de l’emplacement du Musée canadien d’histoire.