Localisation : Rivière Gatineau
Thème : De la souche au moulin
Année : 1900
Capsule(s) reliée(s) :

1867-1960 - De la souche au moulin
Capsule
C4
À vos outils, draveurs, partez !

Draveurs de la CIP travaillant à briser un embâcle sur la rivière Gatineau en se servant de tourne-billes, vers 1939
Draveurs de la CIP travaillant à briser un embâcle sur la rivière Gatineau en se servant de tourne-billes, vers 1939
Grande « Barge d’Ottawa » ou « Pointer » vers 1900
Grande « Barge d’Ottawa » ou « Pointer » vers 1900
Les divers outils dont se servent les draveurs pour effectuer leur travail
Les divers outils dont se servent les draveurs pour effectuer leur travail
Cet « Alligator » remorque une « Barque d’Ottawa », mieux connue sous son nom anglais « Pointer ».
Cet « Alligator » remorque une « Barque d’Ottawa », mieux connue sous son nom anglais « Pointer ».
Cette photographie d’un « alligator » permet de distinguer clairement les caractéristiques de ce remorqueur à aubes. Le treuil qui est fixé à l’avant de l’embarcation sert à briser des embâcles, à remorquer des estacades de billes, à tirer jusque dans l’eau des arbres de grande taille qui ont été abattus près des rives et à faire avancer l’alligator lui-même sur la terre ferme, d’un plan d’eau à un autre, en le faisant glisser sur son fond plat.
Cette photographie d’un « alligator » permet de distinguer clairement les caractéristiques de ce remorqueur à aubes. Le treuil qui est fixé à l’avant de l’embarcation sert à briser des embâcles, à remorquer des estacades de billes, à tirer jusque dans l’eau des arbres de grande taille qui ont été abattus près des rives et à faire avancer l’alligator lui-même sur la terre ferme, d’un plan d’eau à un autre, en le faisant glisser sur son fond plat.
Cette scène est révélatrice du rôle de premier plan joué par la gaffe dans les opérations de drave et de dérivage.
Cette scène est révélatrice du rôle de premier plan joué par la gaffe dans les opérations de drave et de dérivage.
Ces deux draveurs en herbe, vers 1920, attendent que le lac cale et que la débâcle printanière leur permette de se lancer dans la téméraire aventure de la descente vers les moulins.
Ces deux draveurs en herbe, vers 1920, attendent que le lac cale et que la débâcle printanière leur permette de se lancer dans la téméraire aventure de la descente vers les moulins.
Ces bottes à crampons sont indispensables pour effectuer ce genre de travail de manière relativement sécuritaire.
Ces bottes à crampons sont indispensables pour effectuer ce genre de travail de manière relativement sécuritaire.
Ces deux hommes préparent avec soin la charge de dynamite qui permettra de briser l’embâcle.
Ces deux hommes préparent avec soin la charge de dynamite qui permettra de briser l’embâcle.
Ces trois hommes tournent à force de bras le cabestan. En s’enroulant, le câble remorque l’estacade de billes sur le plan d’eau..
Ces trois hommes tournent à force de bras le cabestan. En s’enroulant, le câble remorque l’estacade de billes sur le plan d’eau..
Ces outils ont joué un rôle de premier plan dans l’industrie du bois.
Ces outils ont joué un rôle de premier plan dans l’industrie du bois.

Le flottage de cages et de radeaux de bois équarri est fort différent du flottage des billes de bois qui alimentent l’industrie du sciage et les usines de pâtes et papiers. Le bois dravé est généralement de plus petite dimension que celui retenu pour le commerce du bois équarri, dit « carré ». Néanmoins, les techniques utilisées pour récolter le bois et l’acheminer vers les moulins ou le marché d’exportation sont sensiblement les mêmes jusqu’au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.

Les bûcherons qui travaillent au flottage du bois dans la région de l’Outaouais se servent de sept outils surtout. Les noms qu’on leur donne varient beaucoup, les désignations à consonance anglaise dominant largement. Il s’agit, entre autres (image) :

  1. Du croc-à-main ou « hand-hook » : C’est un crochet en acier muni d’un manche de trois pieds de long (environ un mètre) qui sert à la manutention des grumes, ces troncs d’arbres abattus mais dont l’écorce n’a pas été enlevée.
  2. De la gaffe ou « pike » : C’est un instrument en fer à un ou deux crochets fixés au bout d’un manche de bois mesurant de dix à quatorze pieds de longueur (de trois à quatre mètres). Elle sert à déplacer et à diriger les bois dans l’eau, qu’il s’agisse de pièces de bois équarri (plançons), de grumes (ou billots) ou de « pitounes » de quatre pieds (1 m 25) (image).
  3. Du tourne-billes (« cant-hook » ou « cant-dog »), et du « pive » ou « peavey », version anglaise de « pive », cette variante canadienne-française du même mot. Ces deux leviers manuels sont munis d’un crochet pointu à charnière qui sert à tourner ou à retenir les billes. L’extrémité du tourne-billes a une griffe arrondie avec des cannelures, celle du « peavey » possède une pointe en acier. La longueur du manche varie également : celui du tourne-billes mesure quatre pieds et demi, celui du « peavey » est de cinq pieds et demi. Le tourne-billes est surtout utilisé pour empiler les grumes sur les « roules » ou « jetées », le « peavey » pour la drave. Le « peavey » est une invention remontant à 1858. On la doit à l’Américain Joseph Peavey, un forgeron de Stillwater dans le Maine1.
  4. Des crochets, connus également sous l’appellation « crocs à chargement » ou « loading hooks » : Ce sont des crochets en acier courts et recourbés, pointus à un bout et terminés par un anneau à l’autre extrémité.  Ils servent au chargement des billots.
  5. Du passe-partout ou « godendard » : C’est une grande scie formée d’une large lame sans monture, généralement plus épaisse au centre, munie à chaque extrémité d’un manche de bois. Elle sert à abattre et à tronçonner les arbres2.
  6. De l’herminette (ou erminette) : C’est une sorte de hache au tranchant recourbé dont la lame est perpendiculaire à la direction du manche. Elle est utilisée pour faire des entailles, ébrancher des pièces et dresser ou aplanir la surface d’une grume.
  7. De la charge de bâtons de dynamite : C’est l’outil le plus cauchemardesque de ces draveurs téméraires. L’usage de ces charges de dynamite est apparu avec l’industrie des pâtes et papiers, grande dévoreuse des billots de quatre pieds, surnommés « pitounes3 » en langage populaire. Puisque ce bois était destiné à être transformé en pâte de bois par les broyeurs des usines de pâte mécaniques ou en copeaux pour la fabrication de pâte au bisulfite, ça ne dérangeait personne qu’il soit abîmé au cours du dynamitage des embâcles de bois de pulpe. Mais il en était autrement des billes de bois de sciage. Celles-ci devaient parvenir aux scieries sans être endommagées. La charge de dynamite comprend cinq ou six bâtons de dynamite recouverts de paraffine fixés au bout d’une perche en bois de huit pieds de longueur. Un détonateur est fixé dans un des bâtons de dynamite et le joint est imperméabilisé avec du savon et cette amorce est reliée à une « ratelle », un cordon d’allumage qui sert de mèche. C’est la longueur de cette mèche qui détermine le temps alloué à celui qui place la charge pour déguerpir! Un pied de mèche correspond à une minute d’attente4. Si cette dernière est trop courte ou que notre draveur casse-cou glisse malencontreusement sur un billot instable, il peut chavirer dans l’éternité! (image)

On se doit d’ajouter à cette liste d’outils trois inventions indispensables pour la conduite des opérations de flottage et de drave : le « Pointer » ou la « Barge d’Ottawa »; le « treuil » ou le « taureau5 »; et le remorqueur « alligator ».

  1. La « Barge d’Ottawa » ou  « Pointer » est une chaloupe à fond plat qui facilite le transport rapide des draveurs et de leurs équipements sur les lacs et les rivières (image)6 Conçue par John Cockburn, à Ottawa, vers 1859, pour le compte du grand entrepreneur forestier J.R. Booth7, cette barge à fond plat et sans quille s’avère très maniable. De plus, le plan très relevé de ses extrémités avant et arrière, lui permet de glisser avec facilité par-dessus les billes qui flottent et d’affronter sans grands dangers les rapides des rivières. C’est à cause de ces qualités que la « barge d’Ottawa » sera en usage dans l’industrie forestière, à travers tout le Canada et partout au Québec8.
  1. Le treuil ou le taureau est un radeau sur lequel est fixé un cylindre vertical (cabestan) qu’on tourne pour rembobiner un câble (image). Les hommes accrochent ce câble au train de bois encerclé d’estacades pour les remorquer en eau calme ou contre le courant9. Pour y arriver, cependant, ils doivent s’accrocher à quelque chose. Ce point d’appui est un deuxième radeau relié au premier par un autre câble. Ce deuxième radeau transporte une ancre de plus de 1200 livres qui, jetée au fond de l’eau, sert à le retenir. Les hommes sont alors en mesure d’enrouler le câble, remorquant de la sorte le radeau et le train de bois jusqu’à l’ancre. Et tout le processus est repris de plus belle!
  1. Le remorqueur « alligator », sert également au remorquage des estacades et trains de bois en eau stable, sur les lacs de grande dimension surtout. Le treuil horizontal fixé à l’avant de l’alligator, actionné par un engin à vapeur ou par un moteur, permet de briser des embâcles en tirant sur les billes qui y sont enchevêtrées, de remorquer des trains de bois et de touer jusqu’au plan d’eau les grumes qui sont abattues en bordure des rives. Le treuil peut servir également à faire avancer l’alligator sur la terre ferme en le faisant glisser lentement sur le sol grâce à son fond plat (image). Le câble de l’alligator, déroulé et accroché à un arbre, est enroulé sur le treuil, ce qui a pour effet de déplacer le remorqueur vers l’arbre qui sert de point d’ancrage. La répétition de cette opération permet à l’alligator de passer d’un plan d’eau à un autre.

Allez plus loin sur le web!
Visionnez le court métrage (20 minutes) de Raymond Garceau, réalisateur à l’Office national du film du Canada, dans lequel l’auteur-compositeur Félix Leclerc raconte, dans une langue savoureuse, l’aventure fantastique que vivent chaque année les draveurs de la vallée de l’Outaouais. Perche ou bâton de dynamite au bout des bras, ils font franchir aux billots des centaines de kilomètres de rivières, de chutes et de lacs. Un métier dur, impitoyable, rempli de poésie.
Site Web

Pour en apprendre plus sur les remorqueurs « alligator », visionnez la vidéo du « W.D. Stalker » à :
Site Web

Visitez :
Le Centre d’interprétation de l’historique de la protection des forêts contre le feu où se trouve le « Pytonga », un remorqueur qui tira pendant de nombreuses années des millions de mètres cube de bois sur le réservoir Baskatong, l’un des plans d’eau les plus importants de la Haute-Gatineau.
Site Web

Références et définitions

1 John W. Hughson et Courtney C. J. Bond, Hurling Down the Pine, Chelsea, The Historical Society of the Gatineau, 1987, p. 64-65. Aussi: Donald MacKay, The Lumberjacks, Toronto, McGraw-Hill Ryerson, 1978, p. 124-125

2 Pour un survol de l’origine de cet outil et des techniques d’affilage et d’affûtage d’une telle scie, voir : Donald MacKay, The Lumberjacks, Toronto, McGraw-Hill Ryerson, 1978, p. 80-81.

3 Normand Lafleur, La drave en Mauricie, des origines à nos jours; histoire et traditions, Trois-Rivières, Éditions du Bien public, 1970, p. 90-91.

4 Ibid., p. 90.

5 Ibid., p. 87-88.

6 «  Longues de quelque vingt pieds, l’avant et l’arrière fortement relevés, ces embarcations à fond plat et étroit sont d’une souplesse étonnante. »  Normand Lafleur, La drave en Mauricie, des origines à nos jours; histoire et traditions, Trois-Rivières, Éditions du Bien public, 1970, p. 83-84.

7 Ontario Department of Lands and Forests, Operations Branch, The Pointer Boat, Ontario, Ontario Department of Lands and Forests, Operations Branch, 1963.

8 «  Longues de quelque vingt pieds, l’avant et l’arrière fortement relevés, ces embarcations à fond plat et étroit sont d’une souplesse étonnante. »  Normand Lafleur, La drave en Mauricie des origines à nos jours. Histoire et traditions, Trois-Rivières, Éditions du Bien public, 1970, pages 83-84.

9 Idem. Voir aussi : A.R.M. Lower, The North American Assault on the Canadian Forest, New York, Greenwood Press, 1968, p. 37.

Sources et légendes des médias secondaires

PHOTO No 1
Source : Archives de la Ville de Gatineau, Fonds de la « Canadian International Paper » (CIP), P030-01_0006_p0099.
Légende : Draveurs de la CIP travaillant à briser un embâcle sur la rivière Gatineau en se servant de tourne-billes, vers 1939

PHOTO No 2
Source : Archives de la province d’Ontario. Photographe inconnu. Photographie extraite de Hurling Down the Pine (Chelsea, Historical Society of the Gatineau, 1987), p. 64.
Légende : Grande « Barge d’Ottawa » ou « Pointer » vers 1900

PHOTO No 3
Source : Roland Saint-Amand, op. cit, p. 159 et  Normand Lafleur, op. cit, p. 90-91.
Légende : Les divers outils dont se servent les draveurs pour effectuer leur travail

PHOTO No 4
Source : Collection Pierre Louis Lapointe. Photographe inconnu.
Légende : Cet « Alligator » remorque une « Barque d’Ottawa », mieux connue sous son nom anglais « Pointer ».

PHOTO No 5
Source : Archives de la province d’Ontario, photographie C-120-3-0-0-33. Photographe inconnu.
Légende : Cette photographie d’un « alligator » permet de distinguer clairement les caractéristiques de ce remorqueur à aubes. Le treuil qui est fixé à l’avant de l’embarcation sert à briser des embâcles, à remorquer des estacades de billes, à tirer jusque dans l’eau des arbres de grande taille qui ont été abattus près des rives et à faire avancer l’alligator lui-même sur la terre ferme, d’un plan d’eau à un autre, en le faisant glisser sur son fond plat.

PHOTO No 6
Source : Gravure de J.W. Evans publiée à l’origine dans Picturesque Canada, volume 1, 1882, p. 233.
Légende : Cette scène est révélatrice du rôle de premier plan joué par la gaffe dans les opérations de drave et de dérivage.

PHOTO No 7
Source : Collection Pierre Louis Lapointe. Photographe inconnu.
Légende : Ces deux draveurs en herbe, vers 1920, attendent que le lac cale et que la débâcle printanière leur permette de se lancer dans la téméraire aventure de la descente vers les moulins.

PHOTO No 8
Source : Archives de la Ville de Gatineau, Fonds de la « Canadian International Paper » (CIP), P030-01_0006_p0089.
Légende : Ces bottes à crampons sont indispensables pour effectuer ce genre de travail de manière relativement sécuritaire.

PHOTO No 9
Source : Archives de la Ville de Gatineau, Fonds de la « Canadian International Paper » (CIP), P030-01_0006_p0113.
Légende : Ces deux hommes préparent avec soin la charge de dynamite qui permettra de briser l’embâcle.

PHOTO No 10
Source : Northeast Archives of Folklore and Oral History, University of Maine, OronoExtrait de : Donald MacKay, The Lumberjacks, Toronto, McGraw-Hill Ryerson, 1978, p. 125
Légende : Ces trois hommes tournent à force de bras le cabestan. En s’enroulant, le câble remorque l’estacade de billes sur le plan d’eau..

PHOTO No 11
Source : Extrait de : Donald MacKay, The Lumberjacks, Toronto, McGraw-Hill Ryerson, 1978, p. 74, 81 et 125.
Légende : Ces outils ont joué un rôle de premier plan dans l’industrie du bois.